Au pied du Plan d’Aou, une bastide et une usine composent la Gare Franche. Ce laboratoire de création artistique a entrepris un grand chantier de réhabilitation à plus de 3 millions d’euros. Reportage en images.
Nous sommes dans le 15e arrondissement de Marseille. Le quartier du Plan d’Aou s’élève en haut d’une colline. Sur le flanc descendant vers Saint-Antoine, au dessus des rails, une bastide du 17e siècle émerge entre des locaux commerciaux et des usines. Notamment des tuileries, abandonnées ou non, qui ont donné leur nom à la rue.
C’est ici, au début des années 2000, que le metteur en scène Wladyslaw Znorko a jeté son dévolu pour y créer une maison d’artistes. Ce lieu de création de curiosités culturelles est devenu la Gare Franche. Avant que l’artiste ne meure subitement en 2013, alors que Marseille bouillonnait en capitale européenne de la culture.
Grâce, en partie, à sa compagne et coordinatrice du site, Catherine Verrier, la vie artistique n’a quant à elle jamais quitté les lieux, malgré les difficultés financières. Elle est allée trouver un second souffle dans un mariage, en 2019. Une fusion avec le théâtre du Merlan, scène nationale tout aussi atypique dans l’arrondissement voisin (14e).
De cette nouvelle union est né le ZEF. Un objet artistique bien identifié dans les quartiers Nord. D’un côté, un grand théâtre, de l’autre une résidence d’artistes dédiée à la création. Le tout déborde par ses animations culturelles, culinaires, sociales et agricoles sur les quartiers environnants, autour du projet baptisé Au fil de l’autre.
Bastide traditionnelle, usine, jardins… un chantier « hétéroclite »
Ce mariage a notamment permis de consolider le soutien public au projet. Et de lancer un grand chantier sur la Gare Franche, devenue moins hospitalière pour les artistes.
Qu’il s’agisse de la bastide vieillissante, pour loger et nourrir les résidents, posée sur une butte qui s’affaissait dangereusement. Ou de l’usine en contrebas de 1 377 m2 , immense laboratoire créatif, « mais trop chaud en été et inchauffable en hiver... », retrace Catherine Verrier.
Entre le patrimonial, l’industriel et le paysager, « c‘est un projet vraiment hétéroclite », insiste l’architecte Kristell Filotico en nous faisant visiter. « Il m’a fait redécouvrir mon métier. En s’adaptant à chaque élément pour conserver tout ce qui est possible, sans imposer un geste architectural. Au final, un projet plus écologique qui sert avant tout la pratique du site ».
3,1 millions d’euros pour une inauguration à la rentrée 2025
Son confrère Thomas Brétignière de l’agence marseillaise Caractère Spécial, à qui elle s’est associée, approuve. « On a fait avec ce qui existait, qui est déjà très riche ».
Côté bastide, où logeront les artistes dans sept chambres, « on a tout repris avec une approche traditionnelle : appareillages de pierres, enduits à la chaux, bois ».
Pour accueillir les équipes du ZEF, les architectes ont créé un grand espace ouvert en continuité du bâtiment, en misant sur une ventilation et un éclairage naturels.
Une usine devenue labo de création artistique
La deuxième phase du chantier débute du côté de l’usine. Pour ce laboratoire artistique, il a d’abord fallu revoir toute l’isolation thermique de l’immense volume. Puis réagencer techniquement le lieu pour permettre tous types de créations, théâtrale, musicale, chorégraphique ou arts du cirque.
L’installation de gradins amovibles de 150 places permettra également de transformer l’espace de création en salle de spectacle.
Le chantier à 3,1 millions d’euros financé par l’État, la Région, le Département et la Ville, devrait être définitivement livré au début de l’été 2025. Pour une inauguration officielle à la rentrée prochaine.
Petite révolution pour un projet en fusion avec son quartier
« C’est une petite révolution ce chantier. Ça va vraiment permettre au projet du ZEF de s’exprimer complètement », se réjouit la directrice de la scène nationale, Francesca Poloniato. Son équipe de 27 collaborateurs accompagne 10 résidents, artistes ou compagnies, dans la production et la diffusion.
Ils trouvent à la Gare Franche « un espace de création en totale liberté. Ils travaillent comme ils le souhaitent avec les horaires qu’ils veulent. Et ils sont tout confort, avec Zahra, la maîtresse de maison, qui les nourrit, parfois avec la production des jardins partagés ».
Ces derniers sont un des points forts de la Gare Franche pour s’ouvrir aux quartiers voisins. Les riverains peuvent cultiver une trentaine de parcelles individuelles et collectives, avec un poulailler, et un four à pain fabriqué en torchi. « Autant de prétextes à des ateliers, des échanges, avec les enfants, les habitants, les artistes. Et de passerelles entre la culture et la vie urbaine », conclut Catherine Verrier.
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