C’est le chantier de la décennie pour la société des chemins de fer luxembourgeois. Depuis huit ans, les CFL mènent des travaux de très grande ampleur à quelques kilomètres de la frontière française. Une nouvelle voie ferrée entre Bettembourg, première gare après la frontière, et Howald, pôle d’échange aux portes de Luxembourg-ville, sort de terre. La ligne actuelle reste en place, mais elle sera réservée aux trains vers Esch-sur-Alzette et Rodange. La nouvelle ligne, longue de sept kilomètres, servira aux rames en provenance de Nancy, Metz et Thionville.
Nouvelle ligne Luxembourg – Bettembourg : les travaux avancent à grands pas
Les CFL affichent comme objectif d’augmenter la cadence sur cette voie saturée aux heures de pointe, avec le flux des frontaliers lorrains, et très souvent ciblée par les critiques des usagers. « On va rendre le réseau ferré beaucoup plus robuste », assure Rui Raimundo, chef de projet de cette nouvelle ligne. « Chaque ligne aura son quai dédié. Aujourd’hui, tout le trafic venant d’Esch-sur-Alzette, de la Lorraine, et même le trafic fret passe sur cette ligne Luxembourg-Bettembourg. Ça fait beaucoup ! Le but, c’est d’éliminer ce goulot d’étranglement. »
France Bleu Lorraine a eu accès à ce chantier pharaonique entre Bettembourg et Howald.
Le pôle d’échange de Howald
Le pôle d’échange de Howald, à l’entrée de la capitale Luxembourg-ville, est le noeud stratégique du réseau ferré du sud du Grand-Duché. Depuis 2015, la gare d’Howald connait une transformation en profondeur. Un deuxième quai est en phase de construction, pour permettre à chacune des deux lignes, Rodange-Esch-Luxembourg et Bettembourg-Luxembourg, d’avoir leur quai dédié. Deux nouvelles voies sortent aussi de terre pour qu’aucune de ces lignes ne se croisent, tout en assurant le transport fret.
Il faudra ensuite raccorder les deux quais à l’ancienne et à la nouvelle ligne Luxembourg-Bettembourg. L’accès des passagers à la gare d’Howald a aussi été facilité, avec de nouvelles passerelles, des ascenseurs, des escaliers, une signalisation remodelée… La fin du chantier est prévue pour 2026, avec un budget total de 96 millions d’euros.
Le pont bow-string
C’est l’ouvrage d’art le plus emblématique de cette nouvelle ligne Luxembourg-Bettembourg. Le pont bow-string, long de 200 mètres et en forme d’arc blanc, trône depuis bientôt deux ans au-dessus de l’autoroute A3. « C’est le premier pont de ce type en Europe à avoir un rayon en plan », détaille Rui Raimundo. « Il faut imaginer un arc qui est toujours soit en compression soit en traction. L’ouvrage n’est pas droit, il est en courbe. Ça a été le gros challenge de cet ouvrage. »
« On a volontairement demandé que cet ouvrage soit réalisé et adapté à la ligne ferroviaire qui le parcourra », continue le chef de projet. « On aurait pu le faire droit, mais alors il serait beaucoup plus large, beaucoup plus lourd et beaucoup plus cher ! » L’ouvrage, qui pèse pas moins de 6.000 tonnes, aura finalement coûté 28,5 millions d’euros. En partie fabriqué dans les Vosges, un convoi exceptionnel avec deux camions remorque avait dû transporter certaines pièces depuis Charmes, avant l’installation définitive du pont en octobre 2022.
Les premières caténaires
Sur une partie de cette future nouvelle ligne, au nord de l’aire de Berchem, des aiguillages ont été prémontés pour faire basculer les futurs trains sur d’autres voies. Au bord de l’autoroute, on observe aussi déjà des caténaires en place sur les bords de la future voie. Habituellement, celles-ci sont installées en dernier, après la pose des rails. Mais cette fois, « et c’est une première », précise Rui Raimundo, les pièces ont été installées par la route. Les CFL ont préféré anticiper des pénuries de matériaux en montant les caténaires dès maintenant.
Pourtant, les rails ne commenceront à être posées qu’à partir de juin 2026, en commençant par le secteur d’Howald. Le long de cette future ligne ferroviaire, une piste cyclable a aussi été aménagée pour encourager les mobilités douces. Elle passera à chaque fois sous les ouvrages, pour ne pas avoir à croiser de voitures.
La route nationale enjambe les voies
L’un des ouvrages, situé au niveau de la croix de Livange, permet aussi de faire passer la nouvelle ligne Bettembourg-Luxembourg sous un axe routier. Un gigantesque pont en béton armé est en construction depuis la fin de l’année 2022, pour déporter la route nationale 31 et permettre aux voies de passer en-dessous.
Dans cette zone marécageuse, plusieurs aménagements ont dû être imaginés pour ne pas perturber le trafic des futurs trains. Des ouvrages hydrauliques sont mis en place pour permettre à des ruisseaux de traverser le remblais. Treize bassins de rétention ont été nécessaires tout au long de la ligne, pour récupérer les eaux de surface. Plus de 3.000 colonnes ballastées, des puits remplis de gravats, ont aussi été creusées pour densifier le sol.
L’incroyable « saut-de-mouton »
Bouquet final de ce chantier, le saut-de-mouton est le dernier ouvrage d’art avant l’arrivée des futurs trains en gare de Bettembourg, dans le sens descendant. Cette construction impressionnante, longue de 70 mètres, permet à la nouvelle ligne de croiser en hauteur la ligne déjà existante. Les deux voies reviendront ensuite au même niveau en gare de Bettembourg, où elles auront chacune leur quai dédié, comme au pôle d’échange de Howald.
La saut-de-mouton ne passe pas inaperçu. D’abord pour son nom très explicite. Ensuite pour son architecture si particulière : deux plateformes triangulaires bordent la ligne en hauteur à l’endroit où elle chevauche l’ancienne voie. Cela évite d’avoir à installer des piliers au milieu des voies, tout en suivant le tracé de l’ancienne ligne. Ce saut-de-mouton aura coûté 26,2 millions d’euros aux CFL.
La mise en service progressive de la nouvelle ligne entre Bettembourg et Luxembourg n’est pas attendue avant 2027. Le budget total devrait avoisiner les 407 millions d’euros.
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