JO 2024 : du Lutetia à Barbès, en passant par la pizzeria des stars à Paris

Quelques notes presque métalliques, résonantes, des nappes synthétiques : dès les premières secondes, le ton est donné, on reconnaît un tube d’une autre époque, les années 70 et 80. Quelqu’un depuis ses fenêtres grandes ouvertes joue «Chercher le garçon», chanson de Taxi Girl, le groupe de Daniel Darc et Mirwais. La rue du Cherche Midi semble doucement, timidement, chavirer au rythme électrique de cette vignette d’une autre époque, mais qui résume bien l’ambiance un peu mélancolique qui s’empare ces dernières soirées et nuits des rues éloignées de la Seine. Loin des lieux des festivités olympiques, la vie est ralentie. Côté Sèvres-Babylone, Le Lutetia, ce palace historique, a été privatisé pour la durée des jeux. Impossible d’y aller, alors qu’on avait envie de revoir l’un de ses bars. Ce sera pour plus tard. On se dirige vers le restaurant italien d’un ami, Anima. Marco a ouvert le lieu après avoir travaillé avec le duo casqué le plus célèbre de la planète – vous devinez qui – au moment de leur dernier album. On trouve sur les murs du restaurant quelques indices de ce passé. Sur son compte Instagram, il poste régulièrement des photos et il y en avait une dernièrement avec le sociologue Edgar Morin. Que l’on imagine d’un coup, casqué, masqué. Pourquoi pas ? Marco l’accueille parfois en voisin. La pizza ça conserve, apparemment. 

Chercher le sociologue

On s’assoit là, en se demandant si l’on verrait arriver le penseur, le temps d’un dîner. Attendre Edgar Morin, en plein juillet : surgira-t-il d’une porte de l’un des immeubles voisins ? Au bout de la rue, se trouve aussi la maison de Gérard Depardieu. Il passait prendre une pizza pendant le confinement et s’asseyait en attendant qu’elle soit prête. Jean-Louis Aubert, est passé parfois. Ce soir, pas de star du spectacle, mais des clients d’un autre genre, tout à fait dans notre époque. «Il y a des Canadiens, venus dîner en famille et l’un d’eux est en compétition demain». On lui suggère les pâtes au citron, ça donnera de l’énergie pour le lendemain matin. Edgar Morin n’est toujours pas là, on décide de changer de quartier pour remonter vers Barbès. 

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À la sortie du métro, les policiers ont remplacé les vendeurs de cigarettes et les dealers qui passent leur année au pied des marches. On n’avait jamais vu ça, Barbès déserté par ses tenanciers. Une étrange tension domine l’air, les gens ont l’air saouls, hagards, déboussolés par la chaleur qui n’en finit pas. C’est bien dans cette même ville que Léon Marchand a tout raflé ? On n’est plus sûr de rien, la nuit. Vers la Gare du Nord, encore plus de policiers. Et pas mal de types excentriques. On en croise un qui remonte le boulevard en courant, ses sandales à la main. Quelle nuit l’attend au bout de sa course ? Assis au Terminus Nord, on regarde les gens passer, quelques touristes arriver encore. Un peloton de policiers, fusils-mitrailleurs en main, pénètre la gare. On les suit, on se demande ce qu’ils cherchent. Peut-être rien ? Lorsque la voie du train en provenance d’Amsterdam est annoncée, ils s’y précipitent. Et disparaissent. En reprenant le chemin de la ville, pour tenter de trouver une fête introuvable ces temps-ci, on a une chanson en tête. Elle s’appelle «Paris» : «C’est Paris et à Paris, y a rien à faire / juste marcher dans les rues, marcher dans les rues et attendre». Elle est, elle aussi, de Taxi Girl. On ne cherche plus le garçon, on marche dans la rue, dans la nuit.