La guerre en Ukraine se joue à l’Est désormais. Et la Corée du Nord sera aux côtés de la Russie jusqu’à « sa victoire », assure la ministre des Affaires étrangères, Choe Son Hui. De quoi faire sourire son homologue russe, Sergueï Lavrov, lors de leur rencontre à Moscou ce vendredi 1er novembre. Le chef de la diplomatie en a profité pour saluer « les contacts très étroits » entre les militaires des deux pays. L’objectif affiché est clair : renforcer l’axe Moscou-Pyongyang au moment où l’Ukraine et l’Occident dénoncent le déploiement de milliers de soldats nord-coréens près du Donbass, y voyant une dangereuse « escalade » du conflit.
Au total, 8 000 hommes ont été déployés dans la région frontalière russe de Koursk et sont prêts à combattre les forces ukrainiennes, selon Washington. « Nous n’avons pas encore vu ces troupes se déployer au combat contre les forces ukrainiennes, mais nous nous attendons à ce que cela se produise dans les prochains jours », a ajouté le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken. Dans une vidéo diffusée par la chaîne CNN, des militaires nord-coréens faisaient la queue pour recevoir des équipements dans un camp d’entraînement russe.
« Pyongyang possède l’une des plus grandes armées du monde, avec 1,2 million de soldats, mais elle n’a pas combattu dans un conflit majeur depuis la guerre de Corée de 1950-1953« , rappelle le New York Times. En plus des troupes pour combattre en Ukraine, l’allié asiatique a fourni plus de « 1 000 missiles » à la Russie, d’après le ministre sud-coréen de la Défense, Kim Yong-hyun. Cela s’ajoute aux millions de munitions déjà livrées par Pyongyang dans le passé. Deux mois auparavant, le sous-secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires de l’Asie de l’Est et du Pacifique, Robert Koepcke, avait affirmé que la Russie avait acheté plus de 16 500 conteneurs de munitions et de matériels militaires à la Corée du Nord depuis septembre 2023.
La Chine reste silencieuse
Devant ce rapprochement stratégique, la Chine fait semblant de regarder ailleurs. Pékin a insisté, jeudi 31 octobre, sur le fait que les liens entre Pyongyang et Moscou ne la concernaient pas. « La Corée du Nord et la Russie sont deux Etats indépendants. La façon dont ils développent leurs relations les concerne, » a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Lin Jian. À noter que le président russe Vladimir Poutine, dont le pays est engagé dans une guerre depuis 2022 avec l’Ukraine, a conclu un accord de coopération militaire avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est, lui, dit surpris par le « silence » de Pékin, et a dénoncé l’inaction de ses alliés. « Je pense que la réaction à ce sujet est nulle, elle a été zéro », a-t-il fustigé dans un entretien accordé à des médias sud-coréens. Parlant d’une « véritable escalade de la guerre », son ministre des Affaires étrangères, Andriï Sybiga, a fait valoir que cela devait inciter les Occidentaux à prendre une « décision forte » visant à « lever toutes les restrictions sur l’emploi de missiles à longue portée en territoire russe », ce que Kiev réclame depuis des mois.
« Détourner l’attention »
Au-delà du front ukrainien, l’une des préoccupations de la Corée du Nord est de faire évoluer son arsenal nucléaire. Elle a ainsi testé, jeudi 31 octobre, un nouveau missile balistique intercontinental à combustible solide. Selon le Japon, l’appareil appartient à « la catégorie des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) », qui ont une portée d’au moins 5 500 kilomètres. Mais selon Yang Moo-jin, président de l’Université des études nord-coréennes à Séoul auprès de l’AFP, le tir nord-coréen « semble avoir été mené pour détourner l’attention des critiques internationales sur le déploiement de ses troupes » en Russie.
Sans surprise, Pyongyang a répété vendredi qu’elle allait renforcer son arsenal nucléaire alors qu’elle est suspectée par les Occidentaux d’utiliser son soutien à la Russie comme monnaie d’échange. « Il est moins clair si Vladimir Poutine ira jusqu’à aider la Corée du Nord à surmonter les obstacles technologiques liés à ses programmes nucléaire et balistique », reprend le New York Times. Une situation que le voisin sud-coréen suit attentivement, alors que les deux pays sont en guerre. « Le fait que le Nord acquiert une expérience de combat dans le conflit russo-ukrainien », pour la première fois depuis les années 1950, crée « un risque grave pour la sécurité nationale de la Corée du Sud », a confié le chef de l’État Yoon Suk Yeol.
Les agissements du dictateur nord-coréen pourraient pousser Séoul à s’aligner sur l’Ukraine, alors qu’elle restait neutre jusque-là. « La Corée du Sud est vraiment en colère contre la Russie, car tout le monde comprend que dans cet accord entre Poutine et Kim Jong-un il y a probablement une histoire de bombe nucléaire, que le dirigeant nord-coréen détient, mais qu’il voudrait rendre plus efficace », explique le politologue Rostyslav Mourzahoulov dans un entretien accordé à l’agence de presse indépendante Unian, traduit par Courrier International. Reste à savoir quelle forme pourrait prendre cette nouvelle aide envers Kiev.
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