À l’approche des Jeux olympiques, la vidéosurveillance algorithmique (VSA) se déploie peu à peu dans l’espace public. Mais pas sans résistance. Après les expérimentations en région parisienne, en mars et en avril, de nouveaux dispositifs lors d’événements sportifs et culturels, c’est un autre test réalisé par la SNCF dans trois de ses gares qui est contesté. Jeudi 2 mai, l’association française de défense des libertés fondamentales dans le numérique La Quadrature du Net a ainsi déposé une plainte devant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), jugeant le dispositif illicite.
Répondant au nom de Prevent PCP, ce projet doit permettre à l’entreprise ferroviaire de détecter l’abandon de bagages en gare et de suivre leur propriétaire grâce à plusieurs dizaines de caméras dites « intelligentes ». D’après le site Internet de la SNCF, l’expérimentation a lieu dans deux gares parisiennes (gare du Nord et gare de Lyon) et en gare Saint-Charles à Marseille, sur des calendriers différents qui s’étalent entre le 12 février et le 30 août 2024.
La loi Jeux olympiques adoptée en avril 2023 autorise en effet jusqu’en mars 2025 le recours à la vidéosurveillance algorithmique dans des situations précises. Mais les techniques de Prevent PCP « dépassent le cadre de la loi JO », estime Noémie Levain, juriste à La Quadrature du Net. L’association, qui demande à la CNIL de sanctionner la SNCF et de lui enjoindre de cesser d’utiliser ce dispositif en supprimant les données déjà collectées, expose ses griefs dans un document d’une trentaine de pages.
Débat sur la qualification biométrique des données
Le cœur des reproches adressés à la SNCF concerne la qualification des données collectées et traitées automatiquement dans le cadre du projet Prevent PCP. Les caméras enregistrent en continu des images des personnes circulant dans les trois gares concernées et analysent, sans faire appel à la reconnaissance faciale, leurs comportements. Les vêtements, la taille ou la démarche des usagers de la SNCF sont ainsi passés au peigne fin afin de détecter d’éventuels abandons de bagages et de « réidentifier » leurs propriétaires après-coup.
Or, si l’entreprise ferroviaire publique promet sur son site Internet qu’« aucune donnée biométrique ne sera traitée durant cette expérimentation », La Quadrature du Net affirme le contraire. Selon l’association, qui s’appuie dans sa plainte sur plusieurs textes de loi, peuvent « être qualifiés de biométriques un vêtement ou accessoire porté par la personne à un instant T, un geste, une expression d’émotion, une direction de déplacement, une position dans l’espace et le temps (assis, debout, statique, allure de la marche, etc.) ».
D’après Bastien Le Querrec, juriste de La Quadrature, « c’est un dispositif de filature automatisée où on va pouvoir, avec une fonctionnalité d’identification, suivre à travers toute la gare les personnes qui auraient déposé un bagage abandonné ». Et de conclure : « Nous estimons cette surveillance contraire au droit européen et français en matière de protection des données personnelles. »
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