Que ce soit à Vienne, Bourgoin-Jallieu, Morestel ou La Tour-du Pin, le marché a basculé d’une tendance dynamique à tendue.
Tous les professionnels s’accordent sur ce point : il y a une pénurie de logements à la location. En raison des taux d’emprunt bancaire, « les potentiels acquéreurs reportent leur achat sur la location le temps que les taux ou les prix baissent. La demande explose ! », remarque Franck Dubessy, responsable de l’agence immobilière Laforêt à Bourgoin- Jallieu. »
Une demande toujours aussi forte
Effet Covid, la demande de vie au vert a dopé le marché nord-isérois. Selon Franck Dubessy, « un studio meublé se loue dans la ville 500 € par mois (contre 400 € avant le Covid), un T2 de 600 € à 650 € (contre 500 € auparavant), une maison à 15 kilomètres de Bourgoin-Jallieu dans la fourchette de 1 000 € à 1 200 €. »
Dans les secteurs les plus prisés, comme Ruy-Montceau ou vers le golf de L’Isle-d’Abeau, le loyer mensuel d’une maison peut aller jusqu’à 1 500 € ou 1 600 €. « Il fait bon vivre chez nous ! Deux tiers des demandes de location proviennent de personnes originaires de la région lyonnaise », précise-t-il.
Ce que constate également Suzanne Rabilloud, gérante des agences Arthurimmo de Montalieu-Vercieu, Morestel et Belley : « Les gens ne peuvent plus acheter, il n’y a plus de turn-over chez les locataires. La demande est toujours aussi forte, notamment de la part de jeunes qui s’installent ou de personnes qui sont mutées. Nous sommes au cœur d’un triangle et d’un bassin d’emplois important. »
Des biens plus chers quand ils changent de locataires
Comme les prix à l’achat ont augmenté de 10 à 15 %, les propriétaires bailleurs n’hésitent pas à louer plus cher pour dégager de la rentabilité.
Ils trouvent preneurs, car le marché reste plus accessible ici qu’à Lyon. La rareté faisant l’offre, les propriétaires révisent leur prix au changement de locataires.
Le loyer d’un T2 de 43 m² dans le quartier Pierre Louve à L’Isled’Abeau, en rez-de-jardin, dans une résidence avec piscine, était loué précédemment 579 € par mois.
Son loyer est passé à 645 €, soit + 11 %. Même son de cloche chez Suzanne Rabilloud, qui donne l’exemple d’un T3 de 65 m² à Morestel loué 650 € par mois et augmenté de 80 € au changement d’occupant.
Un extérieur et la proximité des grands axes
Les biens les plus prisés sont les rez-de-jardin, boudés il y a encore quelques années, et les derniers étages. Un extérieur, un stationnement, la proximité de la gare et des axes autoroutiers sont également recherchés.
Les locataires sont aussi friands de biens récents, tout confort, peu énergivores. Ils jettent aussi leur dévolu sur le neuf, surtout au sein de programmes construits en loi Pinel, où les loyers sont plafonnés et qui sont accessibles à des locataires aux revenus plutôt élevés, vu les plafonds en vigueur.
À Vienne, le marché, hyper tendu, est porté en saison estivale par la demande de petites surfaces, studios et T1, pour loger les étudiants.
Le reste de l’année, les T2 et T3 sont plutôt recherchés, pas forcément dans le centre-ville. « On se rabat sur ce secteur par dépit. Mais parfois, c’est aussi un choix d’être proche de la gare et des commerces.
Il faudra sortir de la ville si on souhaite des T4 et plus, car Vienne intramuros en est dépourvue », expose Jean-Marie Després, gérant de la Régie immobilière de Vienne.
Le nord et le sud de la ville attirent davantage les locataires en quête d’un bien récent avec un balcon.
À La Tour-du-Pin, les T2 et T3 sont particulièrement convoités par les jeunes couples qui s’installent, travaillent à Lyon ou Grenoble.
La municipalité a instauré depuis le 1er mai 2023 un permis de louer dans une partie du centre-ville pour lutter contre l’insalubrité d’une poignée de biens. Ce qui rallonge les délais de (re)location.
« On pâtit de cette situation qui renforce le contexte déjà compliqué. La demande locative est très forte, La Tour-du-Pin étant recherchée pour sa qualité de vie, ses loyers plus raisonnables pour les appartements, en moyenne de l’ordre de – 20 % par rapport à Bourgoin-Jallieu, et sa facilité d’accès par l’autoroute ou le train.
Un T3 rénové se loue en moyenne 500 € par mois et jusqu’à 600 € dans un immeuble récent », informe Isabelle Cervi, gérante de l’agence CIT Immobilier à La Tour-du-Pin.
Les demandes portent aussi sur les petits villages proches comme Dolomieu, Rochetoirin, pour le cadre naturel préservé.
Une maison à louer : mission impossible ?
Les prix s’envolent pour la location d’un pavillon de trois chambres avec un jardin, au calme. Une maison sur Dolomieu, Morestel ou Montalieu se loue autour de 950 € à 1 000 € par mois, 1 000 € à 1 200 € à Vienne et La Tour-du-Pin et jusqu’à 1 500 € dans la première couronne de Bourgoin-Jallieu.
« Une maison individuelle est pratiquement introuvable », reconnaît Isabelle Cervi. « Du terrain et de l’intimité sont des critères de choix. »
À Seyssuel, Jean-Marie Després a loué en deux jours une maison de 100 m², avec trois chambres, pour ce même montant : « Le nord de Vienne est très prisé, car on est proche de Lyon, tout en étant à la campagne avec un loyer moins élevé. J’ai eu 20 demandes pour une maison des années 1990 chauffée au fioul et classée E dans le diagnostic de performance énergétique (DPE). Les gens sont regardants seulement quand il y a du choix. »
Face aux difficultés à se loger, les professionnels voient poindre de nouvelles demandes, comme la colocation entre seniors.
Le DPE rebat les cartes du marché locatif
Le diagnostic de performance énergétique (DPE), à fournir aux acquéreurs et aux locataires, est devenu la clé de voûte du marché immobilier.
Avec la loi Climat & résilience de 2021, des biens sont déjà interdits à la location (les “G +”) et un calendrier d’interdiction va progressivement se mettre en place pour ceux classés G, F et E.
« Les impacts sont colossaux, un logement considéré comme une passoire thermique est non décent, ce qui ne veut pas dire insalubre », estime Yann Tacussel, diagnostiqueur immobilier à la tête de la société Diag YSY à Saint-Siméon-de-Bressieux. « Le but, c’est de consommer moins. C’est un sujet d’envergure en Isère, où l’on compte 37 % de biens classés E à G et un parc vieillissant avec 50 % du bâti construit avant 1974. Aujourd’hui, les propriétaires bailleurs ont mis en place leurs locations sans se soucier de ces réalités. Ils n’ont pas forcément envie de faire les travaux nécessaires, car ils ne s’y retrouvent pas, Ils préfèrent vendre leur bien, même si c’est compliqué de le valoriser. »
Suzanne Rabilloud de l’agence Arthurimmo observe ces mises en vente : « À Morestel, une maison mitoyenne des années 1980, classée E et louée 850 € par mois, a été mise en vente à 258 000 €, puis baissée à 230 000 €. »
Quand le classement dans le DPE est bon, cela peut devenir un argument pour louer plus cher, à l’heure où les gens sont de plus en plus regardants sur les consommations énergétiques des biens qu’ils occupent. « Si un locataire a le choix entre un appartement C, D ou E, il choisira le C ! », note Franck Dubessy de l’agence Laforêt.
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