Le sentiment d’insécurité autour et dans la gare du Nord à Schaerbeek reste trop élevé selon des agents de sécurité de Securail. Ne se sentant pas suffisamment soutenus par leur hiérarchie, ils s’inquiètent face à « une dégradation de la situation ». La SNCB confirme une hausse des violences à l’encontre de son personnel et explique ce qui est mis actuellement en place pour tenter d’apporter une réponse à leurs craintes.
Insécurité, trafic de drogues, vols… La situation autour et dans la gare du Nord à Schaerbeek reste inquiétante. Des problèmes persistent et des agents de sécurité de Securail expriment leur mal-être face à la hausse des violences à leur encontre.
« Il y a de plus en plus d’insécurité. Il y a des attaques à main armée à répétition. Des bandes urbaines qui s’affrontent à la gare du Nord. Le trafic de drogue se fait à vue d’œil, devant tout le monde. On se sent seuls car nous sommes 2 agents pour assurer la sécurité de la gare. On part travailler avec la peur au ventre, la peur de devoir intervenir », indique Antoine (prénom d’emprunt), un agent de sécurité.
Ces derniers mois, Franck (prénom d’emprunt), également agent de sécurité dans cette gare, ajoute avoir observé « des attaques au couteau, des agressions physiques, des individus dans des trains avec des armes à feu factices. A ce moment-là, notre dispatching nous demande d’intervenir, il y a une pression constante », témoigne-t-il.
Et de poursuivre: « Il y a des agressions physiques mais, selon les règles reçues, on ne peut pas attraper la personne, la fouiller. Des vols de téléphones, ça arrive tous les jours ici. On ne peut rien faire, si on nous montre qui a volé le smartphone. On peut dire à la personne qui s’est fait voler son téléphone d’aller à la police fédérale et de porter plainte. On a des conditions pour intervenir qui sont parfois absurdes. On est par exemple obligé d’avoir 5 personnes identifiables, qui ont été témoins d’une scène pour intervenir. C’est impossible. On dit qu’on est en 2e ligne au niveau de la direction, mais à chaque fois, on arrive en premier ».
Antoine dit se sentir « inutile » dans son rôle d’agent de sécurité car ses interventions sont limitées.
« On doit faire de la prévention, mais aussi de la répression. Quand on voit des délits, des crimes, on a des droits de rétention sur la personne, le temps de l’arrivée de la police. Même ça, on n’ose pas le faire. Nous avons une paire de menottes, mais si on menotte on doit se justifier. On nous dit aussi de privilégier le dialogue, mais face à une personne sous influence, c’est très compliqué. On est inutile. Quand on voit un crime ou un délit, et qu’on veut intervenir, on n’ose pas. Et la situation à la gare se dégrade. On n’est jamais sûr de rentrer à la maison. Il n’y a pas de soutien de notre direction. On demande que notre employeur prenne en compte la dangerosité de notre travail, et qu’on ait un soutien. Les dangers sont plus présents à la gare du Nord que dans la gare de Bruxelles-Midi. »
Nous constatons une hausse des agressions envers notre personnel
Tom Guillaume, le porte-parole de la SNCB, a confirmé la hausse des violences à l’encontre des agents Securail. « Nous constatons une hausse des agressions envers notre personnel et nous le regrettons. Au niveau de la SNCB, nous avons mis en place un dispositif de suivi des accompagnateurs victimes d’une agression. Il y a 250 professionnels qui accompagnent les personnes qui ont vécu une situation parfois traumatisante. A côté de ça, la SNCB assure le suivi juridique d’une éventuelle plainte qui pourrait être déposée en cas d’agression. » En 2022, le personnel de la SNCB dans son ensemble a subi 1.900 agressions (4 fois sur 10 avec de la violence physique).
Les faits d’insécurité décrits par les agents de sécurité concernent « un phénomène qu’on observe partout dans la société », déclare Tom Guillaume. « On observe une hausse de l’insécurité, dans la rue, aux abords des salles de spectacle, des lieux de sortie. C’est hélas la même chose dans les gares et dans les trains », dit le porte-parole.
Les gares sont-elles difficiles à sécuriser ? « Ce sont des lieux très fréquentés, qui sont aussi le reflet de ce qu’on retrouve partout dans la société. Oui, on constate une hausse de l’insécurité dans des lieux tels que les gares ».
Que met en place la SNCB pour augmenter la sécurité ? « Le rôle de la SNCB est de transporter les voyageurs dans les meilleures conditions de confort et de sécurité. Pour ce faire, on a déployé un réseau de 10.000 caméras dans l’ensemble des gares et des trains. Elles fonctionnent 24h/24, 7 jours sur 7, et nous pouvons visionner les images à tout moment ».
Et d’ajouter: « Nous travaillons aussi sur des zones plus spécifiques comme c’est le cas pour la gare du Nord. Nous travaillons en concertation avec les différents acteurs impliqués, que ce soit le monde politique ou le monde policier pour assurer au mieux la sécurité des voyageurs. Dans le cadre de la gare du Nord, nous avons adapté l’éclairage à l’entrée de la gare, car nous avons constaté qu’améliorer la luminosité contribue à renforcer le sentiment de sécurité. Nous avons aussi déployé un numéro d’urgence que les voyageurs peuvent contacter à tout moment. Nous insistons auprès d’eux. Quand ils constatent un fait d’insécurité, une situation qui leur semble problématique, ils peuvent appeler ce numéro. C’est le meilleur moyen de lutter tous ensemble contre ce phénomène ».
De son côté, la police fédérale indique qu’en 2023, 759 faits ont été enregistrés, uniquement à la gare du Nord, soit environ 2 faits par jour. « Il s’agit surtout de : drogues (147 faits constatés (surtout possession et usage, très peu de faits de vente à l’intérieur de la gare)), de séjour illégal (98 faits), de trouble à l’ordre public (21 faits) et d’ivresse publique (16 faits) », indique la porte-parole. « Quant aux agressions, nous avons reçu, en 2023, 11 plaintes pour des faits de coups et blessures dans la gare (dont 2 avec une arme, mais pas de couteau) et 12 plaintes pour vol avec violence. »
C’est un travail sans fin
Cécile Jodogne, la bourgmestre faisant fonction de Schaerbeek, indique également que pour la zone de police de Bruxelles Nord la hausse des violences est « un constat régulier. »
« Nous avons déjà pris des mesures. On a renforcé les équipes du commissariat 5, qui est dans le périmètre de la gare du Nord. Nous avons augmenté les effectifs. Les trois communes de la zone de police (Schaerbeek, Evere, Saint-Josse-ten-Noode) ont décidé d’augmenter la dotation communale pour pouvoir engager de nouvelles personnes. Il y a aussi un plan avec tous les acteurs du quartier, y compris des acteurs de prévention, des associations de commerçants pour pouvoir faire des actions qui permettent de renforcer le sentiment de sécurité », déclare la bourgmestre.
Cécile Jodogne souligne par ailleurs que la police fédérale manque de moyens. « Dans la gare, c’est une responsabilité de la police fédérale, et malheureusement par manque d’effectifs notamment, elle est trop souvent absente. Donc, les policiers de notre zone doivent suppléer de temps en temps. S’il y a un incident qui se passe dans la gare, et que la police fédérale n’est pas présente, évidemment que notre police intervient. Mais si elle intervient dans la gare, elle n’est pas autour de la gare, où il faut être présent », ajoute-t-elle.
Et de conclure: « Le gouvernement fédéral doit donc donner les moyens suffisants à la police fédérale pour qu’elle puisse exercer ses missions. Il peut également y avoir du découragement au sein de notre zone de police. C’est un travail sans fin, tant qu’on n’a pas de solutions structurelles. »
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